Ode au sommeil.
Dormir par plaisir.
Oh, les longs sommeils.

Les sommeils d’été, les siestes paresseuses. Celles au soleil lorsque tu fermes les yeux sur ton livre, paupières brulantes, allongée dans l’herbe, et que tu te reveilles deux heures plus tard, avec l’impression de ne pas être vraiment réveillée, d’être très lourde, très chaude.
Les doigts qui chatouillent. La peau qui scintille.

Et les repos hivernaux, quand la météo est si longue et que le temps semble s’écouler à reculons et que franchement qu’y-a-t’il à faire si ce n’est hiberner? Les longues nuits qui commencent bien tard, qui commencent bien après minuit, bien après la 25e heure, lorsque le monde est en pause et que l’on ne fait rien, on fait la course avec le temps, avec l’ennui, dans l’attente du sommeil, dans le plaisir de l’attente du sommeil, qui va continuer bien après que le soleil se soit levé, et l’on aura vécu des minutes pendant lesquelles les autres ne font que rêver.

Puis finalement, le sommeil en mouvement. La tête posée contre la vitre de la voiture. Des bribes de musique classique viennent à tes oreilles. Des bras qui te déposent sur le lit. Tous les sommeils sont liés, et les sensations deviennent un vaste et unique souvenir.
Ou la tête sur l’accoudoir du car. Les plus beaux sommeils, ceux où l’on n’est jamais certain de vraiment dormir, ou l’on émerge de songes flous, ayant perdu toute notion du temps. Les bruits sont sourds, confinés. Les voix qui résonnent toutes dans cet espace étriqué semblent lointaines. Dans ce demi-sommeil elles s’écoutent comme une symphonie de chuchots qui se mêlent à tes rêves. Le paysage défile à travers la fenêtre et les lumières scintillent en continu, clignotant comme des phares au rythme de la houle. Ton sommeil est seul, lancé sur cette langue de goudron au milieu de l’océan, un océan de nature noire, marine. Une jetée vers le bout du monde. Car au loin, loin devant, s’étend le jour et le royaume des gens éveillés. Mais pour l’instant, tu tords ta nuque dans une position improbable et tu parviens à voir des étoiles. Tu t’endors.
Tu te réveilles et comme hors du temps, rien n’a changé. Dans l’habitacle, pas un oeil ouvert, le sable flotte dans l’air. Des corps lourds qui continuent d’avancer sous la lumière des veilleuses.

Oh, les longs sommeils.

Ode to sleep.
Sleeping out of sheer pleasure.
Oh, those long sleeps.

The summer ones, the lazy naps. Those in the sun when you close your eyes whilst reading, burning eyelids, lying on the grass, to wake up two hours later, with that feeling of not truly being awake, of being heavy, so heavy.
Fingers tickling. Shimmering skin.

And the winter rests, when the weather is so long that time seems to be passing backwards and that, honestly, what is there to do if not hibernating? The long nights that start very late, well after midnight, well after the 25th hour, when the world has stopped for a moment and you are doing nothing, nothing but racing with time, with boredom, waiting for sleep, relishing the wait, for a sleep that’ll last far after the sun has risen, and you will have lived dark minutes during which others are only dreaming.

Then finally, the sleep on the move. Head against the car window. Snippets of classical music coming to your ears. Arms laying you down on your bed. All the sleeps are connected, and the sensations are building one vast memory.
Or, the head on the bus armrest. The most beautiful sleeps, those when you’re never even certain of being truly asleep, when you emerge from fuzzy dreams every now and then, having lost all sense of time. Noises are muffled, confined. The voices echoing all in this small space sound as if coming from far away. In that half-sleep, they’re being listened to like a symphony of whispers blending with your unconscious thoughts. The landscape unfolds through the window and the lights are sparkling continuously, like lighthouses blinking with the swell. Your sleep is alone, thrown on that tar tongue in the middle of the ocean, a dark, marine ocean. A pier towards the end of the world. For far away, far ahead, lies the day and the kingdom of awake people. But for now, you twist your neck in an unexpected position and manage to see some stars. You fall asleep.

You wake up and as if out of time, nothing has changed. In the cabin, not one open eye, sand floating in the air. Heavy bodies that keep on moving forward under the dim night-lights.

Oh, those long sleeps.



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